Plateaux synthétiques en polyester

Voilà quelques temps (Fouia ! un paquet) je promis à Monique de vous faire profiter d'un des métiers que j'ai éxercé : modeleur.

Le sujet : réalisation de plateaux synthétiques en polyester armé.
Ce projet a enfin été mis en oeuvre, avec même quelques variantes que vous découvrirez ensuite.
En fait, les formes sont infinies, on peut faire marcher son imagination (quand on en a) à loisir.

Un petit mot sur le principe :
1 : on forme à la main un morceau de grillage à poule
2 : on pose dessus du mat de verre (toile non tissée) qu'on imprègne de résine
3 : on finit avec un béton de résine sur lequel on projette du sable pour un aspect naturel.

Ca parait simple, mais... ça l'est !

Un petit tour sur les composants :


La résine : il s'agit d'un liquide partiellement polymérisé liquide.
Prendre impérativement de l'isophtalique plutôt que de l'orthophtalique. L'isophtalique est celle qu'on utilise pour les bâteaux et les piscines, très résistante à l'eau.
L'activateur, plutôt appelé d'ailleurs durcisseur : il va solidifier la résine. Mélange entre 0.8 et 2 %.
Le temps de polymérisation dépend de la température et hygrométrie.
Pour une prise en 1 heure 30, je vous conseille un taux de 0.8 % avec 23 °C de température et temps sec. Plus on a de temps, mieux c'est.
L'acétone : pour après, se nettoyer les mains, les outils, éventuellement le sol si vous avez fait une catastrophe... Aucun autre solvant ne marche, c'est le plus inoffensif.
Grillage : Prendre du grillage à poule de la maille la plus serrée possible
Du sable : De multiples sources :
a- vous le ramassez !
b- du sable de construction, le moins cher
Le sable d'aquariophilie ne convient pas, il est de trop gros calibre, le plateau présente un aspect trop rugueux.
Du mat de verre : toile non tissée de fibre de verre. Un grammage de 350 est largement suffisant.
Attention, plus le grammage est haut, plus le mat est difficile à former.

Petit tour des outils :

Les doseurs et cuvette : un doseur => 500 ml pour la résine, une seringue graduée en ml pour le durcisseur, la cuvette pour le mélange.
Attention de bien mélanger les deux phases, sous peine de différentiels de polymérisation (une gélatine qui ne durcira pas).
Pinceaux : Un suffira mais plat. Ebulleur : e option pour les surfaces planes. On peut en bricoler un avec un rouleau de peintre sur lequel on montera des rondelles de différents diamètres.
Sinon des tenailles ou pinces coupantes pour le grillage, des ciseaux pour découper le mat, une perceuse avec mélangeur pour un mélange homogène (en option, j'en ai pas), des forets à métal pour percer les trous de drainage (ou Dremel + fraises), une meuleuse avec disque abrasif pour retoucher les surfaces (ou papier de verre et huile de coude).

Petites recommandations avant de commencer, mais grande précaution.

Pour ceux qui vont le tester (j'espère qu'il y en aura), vous allez manier des produits avec tout plein d'étiquettes pas jolies (des flammes, des têtes de mort, des mains qui crament etc...).

L'odeur que vous sentirez est principalement du styrène. Ca tourne la tête mais c'est pas très grave. Au cours de la polymérisation par contre se dégagent pas mal de cochonneries dont j'ai oublié la liste.

Donc IMPERATIVEMENT :
- Faire tout ça DEHORS pour éviter d'accumuler les vapeurs.Si vous voulez le faire à l'intérieur, un filtre avec cartouche filtrante est INDISPENSABLE.
- Par contre si dehors : par temps sec. Stratiier sous la pluie est voué à l'échec. La résine n'est résistante à l'eau qu'après "durcissage" complet.
- Se laver les mains avec de l'acétone n'est pas très agréable (surtout quand on s'est coupé). D'autre part, la fibre a tendance à se planter dans la peau => Utiliser des gants (de vaisselle très bien).
- Bien protéger vos surfaces de travail, ça peut couler et ça poisse beaucoup.
- Bien sûr ne pas fumer, manger, boire (ou alors en cachette) pendant la stratification.
- Si vous poncez et percez, mettre un filtre papier sur vos jolies lèvres, y a pas que l'amiante qui encrasse les poumons.

Ce sont des précautions simples mais à respecter scrupuleusement.

On passe à la réalisation

Première étape : Former le grillage

Il suffit de créer un fond plat en relevant un peu les bords :

Voici le réultat :


Je sais on y voit rien, z'avez qu'à me dire comment photographier correctement un truc constitué essentiellement de trous !

Le truc : Ne pas finir le bord de plateau sur une seul épaisseur avec des pointes qui dépassent, vous allez galérer pour stratifier.
Donc faire un pli sur tout le périmètre et coucher les pointes vers l'intérieur. Comme ça :

Un mot sur la gestuelle :
Stratifier du polyester est TRES simple.
Vous découpez un morceau de toile, que vous posez sur votre support.
(Cela dépend du support mais on peut mouiller le support avant de poser le mat. Sur du grillage, ça ne sert à rien.)
Ensuite vous mouillez le pinceau dans le mélange et par un mouvement vertical, vous appliquez la résine sur le mat.
Ne jamais étaler la résine (comme pour peindre) mais écraser le pinceau sur la toile. C'est tout.
Une fois que tout est bien mouillé, appuyer encore pour chasser les bulles, sans aller jusqu'à déstructurer la toile (des morceaux de fibres qui partent dans tous les sens).

On commence.
Un problème majeur est à surmonter sur un grillage plein de trou : ça colle rien.
Après avoir un peu galéré voici la solution :

Commencer par appliquer des morceaux de 15 cm x 10 cm de toile sur des surfaces planes.
Vous faites ça sur l'intérieur du plateau, ce sera à faire à l'extérieur mais plus tard.


Ensuite on pose à plat et on attend que ça durcisse (6 heures suffisent par temps chaud et sec). Vous pouvez le mettre au soleil.

Une fois que les petits carrés ont bien séché, vous pouvez couvrir toute la face, sans stratifier les bords, on s'en occupera plus tard.

Le truc : Je ne vous conseille pas de le faire en une seule application de mat.
Préparer des morceaux de 20 cm x 10 et avancer ainsi sur toute la surface du plateau, c'est plus facile.
Bien sûr, il faut une plage de recouvrement antre deux morceux de mat.
Ca doit donner à peu près ça :

Ensuite on laisse sécher et on répète la phase 2 et trois de l'autre coté.

4 ème étape : les bords.

Une fois que les deux faces sont finies et bien sèches (laisser reposer 24 h), on va s'attaquer aux bords.

Surtout ne pas s'énerver, éventuellement, le faire en deux fois (un jour la partie avant, le lendemain l'arrière).

Le truc : consiste à mouiller sur une face, bien plaquer, attendre une minute et petit à petit déborder de l'autre coté.

Et ben oui... on recommence !!!

Pourquoi ? N'est ce pas assez solide ?
Si. Le problème est que il y a toujours des irrégularités, voire des trous, qu'il vaut mieux boucher parcequ'ils vont constituer des zones de fragilité.


Mieux vaut donc passer une deuxième couche.

Un schéma vaut mieux qu'un long discours :

7 ème étape : réaliser les trous de drainage

C'est là que va rentrer en jeu la perceuse et un foret ou mieux (je préfère) une petite Dremel avec une fraise cylindrique.

On va percer les trous de drainage :


Le truc : Percer les trous à l'intérieur d'une maille, ça évitera d'arracher les fils métalliques et la matrice qui se trouve autour.

8 ème étape : consolider les trous de drainage

On a dit que des trous dans le plateau vont constituer des zones de fragilité.

On vient d'en créer un paquet des zones de fragilité : en creusant dans le strat :


Il va falloir corriger tout ça, surtout que ces zones seront les plus exposées au contact avec l'eau.

Le truc : Préparer spécialement des petites bandes de mat de dimensions 5 cm par 8 mm (environ).

Le principe :

On ainsi recréer une barrière de résine bien homogène et armée.

9 ème étape : ponçage

Rentre en jeu la meuleuse, disque abrasif de 60 ou 80 standard. Ou papier à la main pour les courageux.

On va poncer légèrement la surface, notamment pour enlever toutes les fibres qui dépassent et donc pourraient être visibles après application du béton + sable.

Ca permet aussi de vérifier très scrupuleusement qu'on a plus de trous ou de plis mal collés.
Auquel cas, on peut retoucher par endroits en restratifiant.

10 ème étape : le béton et le sable

Après différents essais, le meilleur résultat a été obtenu avec le sable de construction.
Au préalable, le tamiser avec une maille de 1 mm. Plus le tamis sera fin, plus le résultat final sera de surface homogène.
Seul problème, sa couleur est quelconque. Le meilleur serait de l'ardoise micronisée, mais malgré quelques recherches, je ne suis pas arrivé à en trouver.

Ensuite préparation d'un béton de résine :
- Un mélange standard (avec un peu plus de durcisseur, 1.5 % car la stratification sera rapide).
- Ajouter du sable dans le mélange jusqu'à ce qu'il devienne pateux et qu'on puisse à peine l'étaler au pinceau.
- L'appliquer sur toute la surface en lissant à la main les paquets de béton trop disgracieux.
- Puis projection de sable. Beaucoup, le trop plein non collé partira dès que vous retournerez le plateau.

Voici le premier résultat :



Le truc : Bien faire sécher le sable avant l'application. Jamais d'eau, ça nuit aux qualités de la résine.

Et un conseil, faites le sécher à l'abri des chats, le mien a cru que c'était la fête : deux nouvelles litières sur le balcon ! .
Il a fallu tout balancer.
Non pas le chat, le sable.

Bilan

Il faudra laisser vieillir le plateau, laisser bien la polymérisation se faire à l'abri de la pluie pendant une semaine, ensuite de quoi, le laisser dans un coin du jardin se patiner aux intempéries.
En ce qui concerne celui-ci, il recevra une forêt de cèdres ou d'épicéas au printemps prochain.

Un petit bilan s'impose.
Inconvénients :
- Ca n'aura jamais le charme d'une vraie lauze,
- Il y a encore du travail sur la finition et rechecher des solutions pour un aspect plus fin.
- C'est assez long à réaliser par rapport à une solution grillage + béton simple.
- Le coût de revient est aussi plus cher qu'avec grillage plus béton.
Pour ce plateau, disons 1.5 litre de résine (entre 10 et 15 € le litre) + 1 m de mat (5 € le mètre), soit 27.5 € au plus. Les autres matériaux sont négligeables.

Avantages :
- On peut donner la forme qu'on veut, avec les dimensions qu'on veut. Au delà de 80 cm, prévoir quand même de rajouter des renforts (nervures en dessous, on en reparlera si ça vous intéresse).
On peut même réaliser des formes très complexes (roches, pots "pare-brise"), attention quand même que plus la forme est complexe, plus elle sera ardue et longue à réaliser.
- C'est du costaud, ça ne casse pas, c'est hyper rigide et ne craint pas l'eau (cette résine est utilisée dans les piscines et la fabrication de bateaux).
- Principal avantage par rappport à une soluton béton, on peut réaliser des épaisseurs beaucoup plus fines, et à épaisseur égale, plus résistantes.
- Le polyester une fois bien sec est complètement inerte, pas de risque d'empoisonner les arbres.

Pour minimiser les coûts, vous pouvez trouver du polyester et du mat chez ces deux fournisseurs plutôt que dans les grandes surfaces de bricolage aux prix prohibitifs :
- Gaches Chimie Spécialités : http://www.gaches.com/index.html
- AXSON :
http://www.axson.fr/

Très beau travail, bien expliqué.

Ca valait la peine d'attendre (Combien déjà...3 ans ?)

Merci Alexis.

alexis a écrit:

Bilan

Avantages :
- On peut donner la forme qu'on veut, avec les dimensions qu'on veut. Au delà de 80 cm, prévoir quand même de rajouter des renforts (nervures en dessous, on en reparlera si ça vous intéresse).

extra tes info mais dis nous tout sur les réalisations de grandes tailles.

Bravo pour ton reportage complet, clair et détaillé...

Superbe démonstration bien expliquée. Beau travail !

Il ne faut pas être un peu chimiste pour s'aventurer dans une réalisation comme ça ?

Merci de vos commentaires, je serai encore plus content lorsque quelqu'un s'en servira !

Pas de chimie là-dedans Alain ; en terme de bagage scientifique, il suffit de savoir calculer un pourcentage.
Non plutôt un "coup de patte" qui s'acquiert assez vite.

Le plus dur avec du grillage consiste à commencer.

On peut pallier ça : je me suis servi d'un "moule" pour créer un pot. Une vulgaire soucoupe en plastique suffit (en plastique sinon ça ne démoule pas).

Voici le principe :


Et la réalisation :




Ce pot est très simple parcequ'on part d'un moule plein.
Pour démouler, c'est pareil qu'une tarte : on décolle les bords, et on soulève par en dessous. J'ai fait des bords irréguliers en prévision de la surface très brute.

L'aspect est encore trop "granuleux sur celui-ci car c'est sur lui que j'ai fait mes tests de béton avec du sable trop grossier. Ca va être rattrappé par des passages de brosses métallique.

rv 89, il faut renforcer en dessous de manière à créer des nervures. Je vais faire un grand plateau d'ici 15 jours.

Purée....pour arriver à ça.

Mon bon jp tu baisses, fut un temps où tu aurais posté tes remarques dans l'heure.

Je me suis fait du souci figure toi.

Celà dit, je réfléchis à d'autres finitions plus dans le style glaçures, à suivre donc. Ca va évoluer.

alexis a écrit:

Mon bon jp tu baisses, fut un temps où tu aurais posté tes remarques dans l'heure.

Je me suis fait du souci figure toi.

Celà dit, je réfléchis à d'autres finitions plus dans le style glaçures, à suivre donc. Ca va évoluer.

Je plaisantais Alexis. Mais c'est beaucoup de travail quand même.

Moi je ne plaisantais pas, parce que tu as raison.

Si la structure et la longévité des "pots" est assurée, ils ne sont pas encore assez fins, il y a encore du travail.

T'inquiètes, je commence à te connaître...